Un Film Témoin des Temps

Anne Dambricourt Malassé

Homo sapiens, une nouvelle histoire de l'homme

Film documentaire de Thomas Johnson


En 1998, la chaîne France 2 diffuse un documentaire de Thomas Johnson intitulé La Leçon des grands singes. Consacré à Diane Fossey, Jane Goodall et Biruté Galdikas, j’y apparais pour la première fois en présentant la place des grands singes dans l’évolution des primates. En 2002, Thomas Johnson me recontacte avec un synopsis sur la bipédie du chimpanzé Bonobo. Le film est français et doit être produit par Discovery Channel. Or ce sujet est une approche darwinienne des origines de notre bipédie incompatible avec mon thème de recherche (voir La Découverte) et, pour que le réalisateur comprenne bien cette différence et ses enjeux, je lui donne à lire "Paysages mentaux des racines évolutives humaines" publié en octobre 1995 dans la revue littéraire Phréatique. Le poète Maurice Couquiaud m’avait sollicitée quelques mois auparavant pour y écrire une réflexion anthropologique et évolutionniste sur le thème "Métamorphoses-Anamorphoses".

Dans ce texte, j'approfondis sous l'éclairage métaphorique la différence entre la vision néodarwinienne des origines de la bipédie permanente et ce que j’avais découvert. L’anamorphose est une scène peinte de façon circulaire avec une déformation des perspectives qui la rend étrange au regard, le cerveau s’y perd. Elle devient lisible à condition de placer un miroir cylindrique au centre de la scène qui redresse les perspectives. Le regard néodarwinien est une déformation des processus naturels qui ont redressé le système nerveux. Pour s’en rendre compte, il aura fallu l’étude métrique, l’anatomie comparée et l’embryologie. Cette pluridisciplinarité restitue un processus phylogénétique intra-utérin qui s’est déroulé au cours de l’embryogenèse en suivant des paliers de complexité croissante jusqu’à l’épanouissement de la conscience réfléchie, comme la métamorphose d’une chenille en papillon. Le paysage mental du néodarwinisme est une anamorphose de la réalité passée qui induit la conscience en erreur sur les origines naturelles du redressement neural dont elle émerge. Notre conscience est devenue un miroir du temps passé où se formulent les grandes questions existentielles sur nos origines et où naissent leurs expressions symboliques.

L’approche scientifique n’est donc pas "anti-darwinienne", ce sont les processus évolutifs déduits des données qui ne correspondent pas à la théorie synthétique de 1947.

Thomas Johnson considéra ce texte comme une entrée en matière essentielle pour comprendre ma recherche et la réflexion qui en émerge. Je questionne les limites de l’approche mathématique pour embrasser l’intégralité du processus d’hominisation/humanisation. Écrire une équation déterministe pour modéliser le prochain redressement est théoriquement possible, elle explicite un déterminisme phylogénétique dans les processus de l’évolution. Par contre l’humanisation – avec le développement psycho-affectif, le langage articulé, l’acte créateur et l’espace de l’altérité – n’est pas génétiquement déterminée. Et par expérience, je sais que la création inspirée est singulière, non reproductible, imprévisible, que ce soit l’écriture d’un poème ou un dessin. L’acte créateur unique, inspiré, ne se met pas sous la forme d’une équation universelle alors que c’est, précisément, une des propriétés émergentes les plus sensibles de l’humanisation lorsqu’il est question du langage symbolique signifiant les êtres et les événements impressionnants, voire terrifiants.

Avec le développement de l’intelligence technique et du génie scientifique, l’humanisation finit par générer des phénomènes profondément troublants en regard des milliards d’années qui l’ont précédée, à l’instar de la bombe H.

Le réalisateur Thomas Johnson changea donc son regard sur le rôle de la bipédie après avoir lu ce texte. Le film est devenu Homo sapiens, une nouvelle histoire de l’homme, dans lequel ma recherche est étayée notamment par les travaux en embryologie du généticien Denis Duboule, et ceux des paléontologues Jean Chaline, Didier Marchand et Phillip Tobias. Ce documentaire est un film d’auteur qui présente à la fin de son enquête ses propres questionnements vis-à-vis du transhumanisme.

L’Institut de Paléontologie Humaine et le Muséum national d’Histoire naturelle sont les unités de lieu de ma recherche.

Préparation d’une scène de tournage dans la salle de collection

d’anatomie comparée du Muséum national d’Histoire naturelle.

Photo © Anne Dambricourt Malassé.

Le débat filmé à l’Académie des sciences en 2004 se déroulait lors d’une session avec Yves Coppens, Michel Brunet, Brigitte Senut, l’américain Timothy White et moi-même. Je devais cette intervention à Henry de Lumley. L’objectif était le thème de mon texte pour Phréatique : une confrontation entre la bipédie vue comme le moteur du redressement et mes observations avec la complexité croissante du système nerveux dès le développement intra-utérin. Je me retrouvais seule face à Yves Coppens et trois paléontologues de terrain dont le regard n’a jamais porté sur l’embryogenèse. Michel Brunet me demanda comment je définissais l’hominidé et ma réponse fut la suivante : un hominidé se distingue d’un grand singe par la conservation du redressement neural jusqu’au stade adulte bien visible dans la base du crâne, ce qui correspond à la locomotion en mode bipède exclusif ou à la disparition définitive de la quadrupédie.

Je procédais donc au renversement de perspective, lequel replace la courbe de complexité/conscience croissante dans la compréhension des origines de la bipédie permanente. Ce sont les résultats de la méthode scientifique pluridisciplinaire qui permettent d’aboutir à une découverte considérable sur notre identité, celle d’un processus évolutif en cours.

Un an plus tard, je découvre le documentaire en studio avec le débat en introduction, ma recherche devenue le fil rouge et la voix off d’Yves Coppens pour le mot de la fin.


Le film témoin des temps obscurs

Le documentaire fut présenté le 15 octobre au Muséum national d’Histoire naturelle dans le cadre du festival du film scientifique "Pariscience". J’étais en mission en Inde et n’ai pu assister à la standing ovation adressée à Thomas Johnson. Une journaliste du Monde m’avait écrit pour connaître mon avis sur le "créationnisme à la française". Le Monde publia ma réponse le 24 octobre 2005, veille de la diffusion du documentaire, à côté d’un grand article de Michel Alberganti soupçonnant le film de véhiculer une propagande créationniste. La rédaction réalisa trop tard la stupéfiante machination dont le quotidien devenait l’instrument.

Comme je le pressentais au terme du visionnage, l’annonce de sa programmation en prime-time sur Arte provoqua une vague de censure sans précédent. Elle fut organisée par un réseau de chercheurs agissant dans le cadre de leurs fonctions, compromettant en particulier l’intégrité du Muséum national d’Histoire naturelle auprès duquel je suis détachée par le CNRS depuis 1990.

L’analyse montre qu'en fait ni ces chercheurs ni le journal Le Monde n’avaient visionné le documentaire. Ignorant la présence de mes pairs dans le film, ce groupuscule de scientifiques se mit à instruire un procès sans preuve en distribuant des consignes à tout un réseau et en planifiant l’annulation du documentaire. Pour faire impression, il leur fallait aussi la complicité de chercheurs titrés quand bien même ces derniers n’ont aucune qualification pour émettre un avis sur ma recherche.

Sans en apporter la moindre preuve, les conspirationnistes ont affirmé à la direction d’Arte que le film était une commande de l'association loi de 1901 "Université Interdisciplinaire de Paris", au profit d’une association créationniste américaine, soi-disant soutenue par une pétition pour la défense de l’Intelligent Design sur laquelle j’aurais apposé ma signature en 2005. N’ayant jamais entendu parler de cette pétition, ma signature n’existe sur aucun document pour soutenir son enseignement, et cette association française n’a jamais été à l’origine du film consacré préalablement au Bonobo. Cette construction est caractéristique du complotisme qui se nourrit de la psychose et a tout intérêt à l’entretenir.

Foncièrement abusée, la direction de la chaîne Arte refusa de déprogrammer le film mais accorda au journaliste du Monde et à deux scientifiques une tribune enregistrée la veille du prime-time et diffusée juste après. Michel Alberganti s'y exprime avec un agronome athée, Pierre-Henry Gouyon, et un épigénéticien, Michel Morange, devenu plus tard membre de l’Académie catholique de France. Le tableau était parfait pour montrer le dépassement des clivages contre un ennemi commun... inexistant.

Tous les téléspectateurs ont découvert Yves Coppens, Phillip Tobias, Denis Duboule et mon regretté collègue et co-auteur Didier Marchand, ainsi que le vrai débat qui avait eu lieu à l’Académie des sciences un an plus tôt, et la véritable fin du film avec une créature transhumaniste tapotant sur un clavier.



Image de fin du film Homo sapiens, une nouvelle histoire de l'homme.

© Thomas Johnson.

Jamais Didier Marchand n’aurait accepté de paraître dans un documentaire faisant la part belle à ma découverte s’il avait été question de promouvoir l’Intelligent Design, la téléologie de Teilhard de Chardin ou un avatar du néocréationnisme. Denis Duboule ne parle pas de programmation des mutations mais de reprogrammation de la régulation des gènes du développement embryonnaire. Jamais on n’entend dire dans ce film que la reprogrammation était programmée comme le soutiendrait l’Intelligent Design.

Le mot d’ordre consistait à insuffler le doute après la diffusion. Les propos du journaliste et des deux acolytes furent évidemment dénués de sens. Michel Morange fit savoir au grand public que je suis née dans une famille catholique, ce qui suscita des lettres d’indignation adressées à la direction d’Arte qui avait toléré de tels propos.

Le Nouvel Observateur, déjà compromis en août 1996 pour s’en être pris à Yves Coppens et à moi-même, crut faire œuvre de salubrité publique avec un numéro spécial "La Bible contre Darwin" publié en décembre 2005. Un article du paléontologue Pascal Tassy titre mon nom en hérault de l’Intelligent Design et présente les attracteurs comme des concepts spiritualistes, alors que ce sont des descriptions mathématiques et qu’elles ne sont pas présentées dans le film. Leur évocation, ainsi que celle de l’Intelligent Design, étaient donc aussi insensées que le pseudo-débat d’Arte.

Ce phénomène de société est connu sous le nom de théorie du complot, complotisme ou encore conspirationnisme. Le complotiste se convainc de l’existence d’un ennemi qui cherche à atteindre son intégrité. Pour cela, il croit voir des liens de causalité entre des événements indépendants et surtout, il ne les vérifie pas. Lorsque la réalité se révèle toute autre, le déni l’emporte sur le discernement et les mensonges s’amplifient.

Le CNRS est le premier organisme d’État autorisé à émettre un avis sur ma recherche et aucun communiqué officiel n’a condamné le film. Or le site privé Hominidés.com se fait encore l’écho du conspirationnisme en citant le généticien André Langaney : "Mme Dambricourt fait du finalisme pour faire plaisir aux intégristes. Ce qu’elle écrit relève de la falsification". Ce généticien est connu des anthropologues pour sa profonde méconnaissance de l’anatomie comparée des crânes et des protocoles biométriques ainsi que pour son goût de la provocation. Il n’a jamais été en mesure d’apporter la preuve d’une falsification, et de tels propos révèlent un intégrisme idéologique dépassé par la pluridisciplinarité.

Le site Hominidés.com n’est pas une référence académique et le Nouvel Obs non plus. Ces propos qui ont été tenus voici treize ans pour faire plaisir aux conspirationnistes, alimentent encore le processus viral du complotisme qui met ce site en référence pour une mise en garde contre le film accessible en ligne. C’est une imposture condamnable.

L’authenticité de la censure n’est pas audible pour les universitaires, tant il leur est inconcevable qu’elle puisse émaner de leurs pairs. C’est pourquoi la réalité historique est travestie de manière à laisser croire aux jeunes générations qu’il s’agissait d’une polémique. J’en veux pour preuve l’initiative en 2016 d’une directrice de master qui confia "l’affaire du film de Thomas Johnson" à un étudiant, lequel conclut qu’il eût été plus simple de démontrer que ma recherche n’est pas scientifique. L’Université française a touché le fond.

Il n’y a jamais eu de polémique. Le seul désaccord a été explicité en 2004 à l’Académie des sciences par Yves Coppens, et il est restitué dans le documentaire. Il concerne l’extension de la savane comme cause mécanique de la bipédie permanente, et le documentaire montre que ce n’était pas le moteur naturel.

La réalité est celle d’un scandale sans équivalent dans l’histoire contemporaine des sciences en France, et d’une irresponsabilité incommensurable.

Ni la production du film, ni l’auteur, ni les scientifiques qui apparaissent dans le film n’ont été prévenus de l’enregistrement de ce débat. Je n’ai été informé de son contenu que la veille de sa diffusion : un vendredi soir ! (…) Le film que j’ai réalisé se retrouve libellé créationniste. Il est pilonné dès sa diffusion, sur la chaîne qui l’a non seulement diffusé mais en plus co-produit ! Un véritable autodafé télévisuel : du jamais vu en France !

Thomas Johnson, Lettre ouverte, 2005.

Le master de 2016 est le faux pas de trop qui exige une posture désormais intransigeante en faisant toute la lumière sur la réalité historique et ses très graves conséquences.

La veille de la diffusion du film, le paléontologue Jean-Jacques Jaeger s’immisce dans la procédure administrative de l’Habilitation à Diriger des Recherches que je dois soutenir conformément aux directives du CNRS. Ignorant ces consignes, ce paléontologue contacte le directeur de thèse à l’Université Paul Cézanne pour la faire annuler en prétendant que je suis anti-évolutionniste. Le président de l’Université informé du refus si soudain, me conseille de saisir la justice car la diffamation, l’intention de nuire et le préjudice professionnel sont d’une extrême gravité. Pour ma défense, j’évoque le nom d’un avocat pour qui j’ai une haute estime, Maître Georges Kiejman. Or c’est mon employeur, le CNRS, qui aurait dû engager des poursuites. J’ai choisi de laisser l’histoire des sciences constater la gravité des vices cachés d’une idéologie corrompue et qui a fini par dévoyer la théorie synthétique de l’évolution ou théorie néo-darwinienne.

Il fallut cinq années pour trouver la bonne université avec des scientifiques compétents.

La théorie du complot gagna la Belgique avec la Société royale belge d’Anthropologie. Sa présidente et son adjoint, membre de l’Académie royale de médecine, publient en 2010 dans ses bulletins un article accusant le CNRS de complaisance avec le créationnisme et me traitant d’imposteur avec le déni des articles scientifiques. Comme le montre la liste de mes publications, c’est une fausse enquête, tandis que l’incrimination du CNRS dépasse l'entendement.

En janvier 2010, la direction des ressources humaines du CNRS convoque une commission pour m’auditionner et me recommande d’établir le consensus avec la théorie néolamarckienne d’Yves Coppens. Le consensus existe depuis la conférence au Collège de France en 1996 et la réponse du titulaire de la Chaire adressée à son maître de conférences Pascal Picq, "d’accord avec presque tout" (voir La Légende Maudite). "Tout", ce sont les processus de mémorisation dont Lamarck fut le précurseur, c’est-à-dire un déterminisme historique qui n’a rien à voir avec la doctrine philosophique du finalisme universel.

En 2011, je reçois l’Habilitation à Diriger des Recherches avec les félicitations à titre exceptionnel, en particulier celles d’Yves Coppens, car d’ordinaire elles ne se délivrent pas. C’est une condamnation sans appel de cette théorie du complot, de ses acteurs comme de ceux qui continueront de la perpétrer sous l’effet d’une inhibition de tout sens critique nourrie de fantasmes immatures et d’une profonde inculture scientifique.

J’ai compris les motivations du paléontologue Pascal Tassy en lisant un pamphlet de son collègue l’ichtyologue Guillaume Lecointre, l’auteur du conspirationnisme. Il ne se lasse pas de publier en 2018 la justification de l’injustifiable. Le film allait, soi-disant, faire la promotion des attracteurs harmoniques, et il ajoute que ma recherche ne méritait pas un prime-time car elle n’aurait été diffusée que dans de petites associations françaises. Je renvoie aux pages Congrès internationaux, Agréments etCollaborations pour constater l’énormité d’un tel déni.

Quand en 2017, Edgar Morin procède à un acte civique de réparation en proposant de mettre de nouveau en lumière la découverte – et que j’y convie Thomas Johnson (voir Débat "Sans Tabou"), les raisons d’un mensonge aussi colossal ne trompent plus personne.

Ce chercheur s’est laissé convaincre que l’association "Université Interdisciplinaire de Paris" était le commanditaire du film, car je fus co-optée membre de son conseil scientifique en mai 1997 après avoir été invitée à donner une conférence à l’UNESCO. Parmi les invités figurait également le philosophe André Compte-Sponville et le conseil scientifique comptait, entre autres, Jean-Pierre Luminet, Trinh Xuan Thuan et Ilya Prigogine. La raison de cette invitation était mon intervention au Collège de France en 1996, suivie de l’article "Nouveau regard sur l'origine de l'homme" en première de couverture du magazine La Recherche, puis de mon passage au Cercle de Minuit avec Laure Adler, Yves Coppens et Hubert Reeves. Cette association n’existait pas lorsque mon article fut envoyé au rédacteur en chef de La Recherche, et ce sont des activités de diffusion normale pour un chercheur au CNRS.

Couverture du magazine La Recherche, avril 1996.

Dès lors qu'Yves Coppens tenait à faire connaître l'intérêt de ma recherche quelle que soit l’opinion de son maître de conférences Pascal Picq, une association réunissant des scientifiques de renom pouvait légitimement agir dans le même sens. La pluridisciplinarité du conseil scientifique représentait des promesses de rencontres et d’échanges. Pas plus que Trinh Xuan Thuan, André Comte-Sponville, Ilya Prigogine ou Jean-Pierre Luminet, je n’avais de raison de douter des motivations, à savoir, réfléchir sur l’identité humaine et sa quête de sens. Jamais je n’ai eu vent d’un projet collectif de scientifiques visant à asseoir le monothéisme biblique sur leurs données et aucun d’entre eux, rencontrés uniquement lors de conférences, n’a évoqué un projet aussi dangereux au plan sociétal qu’irréaliste dans les faits.

J’ai quitté cette organisation en décembre 2005 afin qu’aucune ambiguité ne subsiste sur mes intentions, et je ne crains pas de m’indigner des conséquences aveuglantes des conflits entre croyants et athées qui tentent de s’approprier la démarche scientifique et la théorie de l’évolution pour prouver l’existence ou la mort du dieu de la Bible. Elles meurtrissent mon Humanité en détruisant les sources d’inspiration symbolique qu’offrent des découvertes scientifiques sur notre dimension évolutive, terrestre mais aussi universelle ou cosmique. Par ailleurs, la signification n’est pas l’explication. Je vis la signification comme une reconnaissance de l’altérité qui transcende les distances, les peurs, les absences et les doutes, une altérité que l’on espère la dernière heure venue, l’ultime instant de vérité pour une intime mémoire récapitulée.

Je sais que l'Institut de Paléontologie Humaine fut pressenti en 2014 pour y filmer un vieux laboratoire poussièreux et abandonné de toute humanité, visité par une âme chutée ici-bas, victime de malversations inouies à son égard depuis 1995 avec un paroxysme en 1997, une histoire de chutes et de mémoires. Cet élan était l’écho d’une larme d’émotion et à présent j’en reconnais les lettres de noblesse. Elles se souviennent des effets anamorphiques sur le fronton d’un empire bien sombre, lorsque le miroir de leur mémoire les redresse tel un sabre insoumis de la dynastie des Han, et bien décidé à jeter la lumière sur de longues années d’omerta.

Je mènerai ma recherche jusqu’au dernier souffle pour qu’émergent de nouvelles créations symboliques qui nous parlent avec douceur et amour, pourvu que convergent et tournoient encore les âmes de lumière. Je n’oublie pas que nous nous sommes accompagnées pendant de longues années dans nos ténèbres cachées du monde. Ensemble les innocentes ne craignent pas de jeter la lumière sur la face cachée de leurs souffrances. Puisse la parole s’incarner enfin avec courage et en confiance.

Car les ténèbres sont profondes, leurs failles ne sont pas de taille à lutter contre leur propre vérité, le mystère est Un et il ne cessera de se dévoiler. Il nous aimante irréversiblement, c’est notre socle pourvu que nous sortions de ce théâtre d’ombre. Vu sa taille, gageons que le sens d’autant de douleurs s’y Love tout en douceur.

Tapisserie de Jean Lurçat, "Liberté" (1943)

avec des extraits du poème de Paul Éluard

au Musée de la Tapisserie des Gobelins.

Photo Anne Dambricourt Malassé.

Sur la mousse des nuages

Sur les sueurs de l'orage

Sur la pluie épaisse et fade

J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes

Sur les cloches des couleurs

Sur la vérité physique

J’écris ton nom

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

Liberté

Paul Éluard, in Poésie et Vérité, 1942.